Choisir entre une vente publique ou une vente de gré à gré ? Nous répondons à la question.

Marché immobilier
Choisir entre une vente publique ou une vente de gré à gré ? Nous répondons à la question.

Vente publique ou vente de gré à gré : que choisir ?

Les avantages et les inconvénients des deux formules sont passés en revue par le notaire saint-gillois Gaétan Bleeckx.

L’an passé, dans son traditionnel rapport sur l’évolution du marché immobilier résidentiel de la capitale, l’Union des géomètres-experts de Bruxelles (Ugeb) avait pointé, pour l’année 2016, un écart important entre les valeurs obtenues en vente publique, anormalement basses, et celles obtenues en vente de gré à gré, plus profitables pour les vendeurs. Suivant les types de bien (maisons d’habitation, immeubles de rapport, appartements), la différence de prix atteignait 10 à près de… 25 %! Un fossé que la commission du marché immobilier de l’Ugeb, auteur du rapport, ne s’expliquait pas vraiment. Analysant cette fois l’année 2017, les géomètres-experts ont observé un rétrécissement de ces écarts de valeur. Sans doute en raison de l’état général des biens, qui « étaient un peu mieux équipés que l’année passée », avancent-ils.

Fervent défenseur des ventes publiques, le notaire saint-gillois Gaétan Bleeckx explique les mauvais résultats de 2016 en les recontextualisant dans le climat de peur qui a suivi les attaques terroristes du 22 mars. « Il est vrai que 2016 n’était pas une bonne année pour les ventes publiques à cause de l’immobilisme général qui a découlé des attentats », reconnaît-il. Mais c’est un constat qui vaut pour l’ensemble du marché immobilier. »

Rapidité et transparence

Le resserrement des valeurs obtenues en vente publique et en vente de gré à gré opéré en 2017 lui donne raison. « Les ventes publiques donnent régulièrement de très bons résultats, pour autant qu’elles soient utilisées à bon escient », acquiesce Me Bleeckx. D’après le notaire, le recours à la vente publique est judicieux quand le bien dont on souhaite se défaire est susceptible de plaire à un grand nombre d’amateurs, de par sa situation géographique idéale ou sa relative rareté. « Les maisons unifamiliales, et plus encore les maisons avec jardin, sont particulièrement prisées en vente publique parce qu’elles sont peu nombreuses et fort courues à Bruxelles », assure-t-il. On peut en dire autant des immeubles de rapport, qui sont activement recherchés par de nombreux investisseurs. Voire des friches industrielles dont la reconversion ouvre le champ des possibles et séduit les promoteurs immobiliers. « A l’inverse, les appartements fonctionnent beaucoup moins bien, obtenant souvent de piètres résultats », oppose-t-il. Rien d’étonnant quand on sait que ce sont eux qui composent la majorité du parc immobilier de la capitale.

En sus des qualités intrinsèques du bien, d’autres facteurs soutiennent le choix de la vente publique. « Elle s’impose d’elle-même pour les ventes où l’objectif de transparence est primordial », poursuit le notaire saint-gillois. « C’est-à-dire notamment quand il y a plusieurs propriétaires pour un même bien et que ceux-ci ne sont pas en bons termes, par exemple. Lors d’un divorce, d’une succession ou d’une indivision, les parties ne peuvent pas, ce faisant, se soupçonner mutuellement de profiter d’une enveloppe passée sous la table. » Impossible, dans le cadre d’une vente publique, de se laisser aller à s’accommoder d’accords illicites.

Autre atout à souligner, la rapidité d’exécution avec laquelle se conclut une vente publique. « Dès que le vendeur a pris la décision de se séparer du bien, la séance de vente publique peut déjà avoir lieu dans les six à huit semaines qui suivent », pointe Gaétan Bleeckx. Ensuite, l’acquéreur qui remporte la mise aux enchères a cinq jours devant lui pour payer les frais de la vente (droits d’enregistrement et frais de notaire, soit quelque 15 à 16 % du prix du bien) et six semaines pour verser du solde. « Dans la plupart du temps, le vendeur reçoit l’argent de la vente 12 semaines après sa prise de décision », ajoute le notaire. Le timing est autrement plus long pour la vente de gré à gré, où quatre à cinq mois sont souvent nécessaires entre la signature du compromis de vente et celle de l’acte notarié. De plus, une séance de vente publique permet de céder plusieurs biens d’un coup et d’en collecter toutes les valeurs par la même occasion.

Pour ce qui est du budget également, la vente publique récolte plus de suffrages que son équivalent de gré à gré, renchérit Gaétan Bleeckx. « Les frais à charge du vendeur sont fixes et identiques pour tous les biens, quelle que soit leur valeur. » Il faut compter de l’ordre de 5 000 à 6 000 euros ; tout dépend des études notariales. Ces frais permettent de s’acquitter de la publicité de la vente (sur Internet et dans les journaux, affiches, panneaux…), de la permanence téléphonique, des visites effectuées par un délégué de l’étude, de la location de la salle des ventes, etc. « Une somme à comparer avec les 3 % prélevés par une agence immobilière », glisse le notaire.

L’exception des ventes forcées

Attention, prévient le notaire, ceci vaut pour les ventes publiques dites volontaires. Le tableau est moins flatteur pour leurs homologues à force judiciaire et judiciaires. Dans le cas des premières, l’administration prend provisoirement le relais des vendeurs parce que ceux-ci sont dans l’incapacité d’assurer la gestion de leur patrimoine eux-mêmes. Et ce, soit parce qu’ils sont mineurs, soit parce qu’ils ont un âge avancé, par exemple, et sont placés en maison de retraite ou dans un institut de soins. Il en est aussi ainsi des successions vacantes, en l’absence d’héritiers.

Les ventes judiciaires, elles, sont ce qu’on appelle dans le jargon les ventes forcées. Elles sont initiées par les banques créancières, qui ont la volonté de remédier à un défaut de paiement et de récupérer leur mise en saisissant du bien. Néanmoins, apaise Gaétan Bleeckx, elles sont fort heureusement peu répandues. « Sur l’ensemble des ventes publiques, je dirais qu’on recense environ 80 % de ventes volontaires, pour 17 % de ventes volontaires à force judiciaire et 3 % de ventes judiciaires. »

Ce sont toutefois ces deux derniers types de ventes qui alourdissent les statistiques de prix, mais aussi qui marquent les esprits et perpétuent la « croyance populaire » selon laquelle les ventes publiques sont « négatives, honteuses, et synonymes de vente au rabais », regrette le notaire. Assuré de son bien-fondé, Me Bleeckx ne ménage pas ses efforts pour rendre ses lettres de noblesse à la vente publique et participer à lui conférer une meilleure réputation. « Quand toutes les conditions sont réunies pour une vente publique réussie, les retombées financières dépassent souvent largement les attentes des vendeurs », sourit-il. Il se crée un effet d’émulation fondé sur une valeur de convenance, déterminée par l’attachement émotionnel conféré au bien, décrit le notaire.

La Wallonie à la traîne

Au rang des avantages pour l’acquéreur, il y a lieu de pointer l’égalité. En effet, tous les amateurs ont l’occasion de visiter le bien endéans le même laps de temps. Ils profitent aussi de ce délai pour évaluer leurs capacités financières et définir leur mise en ayant tous les éléments en main. Deuxième atout, la sécurité, liste le notaire. Les recherches cadastrales, fiscales, hypothécaires et urbanistiques sont menées en amont de la vente. Parmi les inconvénients figure néanmoins son coût, les honoraires des notaires (de l’ordre de 5 000 euros) étant doublés par rapport à une vente de gré à gré.

Et en Wallonie ? « Le sud du pays compte beaucoup moins de ventes publiques volontaires, sans doute en raison de l’absence de clause suspensive d’octroi de crédit hypothécaire qui effraie les acquéreurs wallons, souvent moins aisés que les Bruxellois », estime Gaétan Bleeckx. Qui ajoute que Bruxelles peut se targuer par ailleurs d’un intérêt nouveau pour la vente publique depuis quelque 15 ans.

3 Questions à Eric De Keghel, président de la commission marché immobilier de l’Union des géomètres-experts de Bruxelles (Ugeb)

Les géomètres-experts entretiennent une vaste base de données en matière de ventes publiques. A quelle fin ?

Nous couvrons en effet un peu plus de la moitié des quelque 1 000 à 1 500 ventes publiques qui sont tenues annuellement à Bruxelles. Et ce, parce que celles-ci nous fournissent autant de points de comparaison nous permettant d’étayer notre expertise immobilière sur des bâtiments voisins. Ceci dit, nous remarquons, de manière générale, que les biens mis en vente publique sont 10 à 20 % moins chers que ceux mis en vente de gré à gré. Attention, cela ne veut pas dire que la même maison sera 10 à 20 % moins chère si elle est cédée en vente publique plutôt que de gré à gré. Il s’agit de moyennes, dont il faut imputer la moins-value à la qualité générale des biens.

Les biens mis en vente publique sont d’office moins qualitatifs ?

On trouve de tout en vente publique. Il y a des biens qualitatifs, d’autres un peu moins et d’autres encore… pas du tout ! Il y a bien eu, voici une dizaine d’années, un effort de la part des notaires pour redorer l’image de la vente publique, mais, d’après mon expérience, il a fait long feu. Il arrive régulièrement que le recours à ce type de vente se justifie parce que le bien est en infraction urbanistique, en mauvais état ou a été l’objet de travaux entamés mais non terminés. Voire, tout simplement, parce que ses propriétaires rechignent à le vider ou à y faire de menus travaux pour le préparer aux visites. C’est que certaines ventes publiques sont aussi des ventes forcées, ce qui explique le manque d’entrain des propriétaires ou le fait que l’immeuble est mal entretenu, faute de moyens. Par ailleurs, les notaires ne sont pas tous scrupuleux et, si beaucoup font appel à des sociétés spécialisées pour conduire les visites, certains chargent un pensionné d’ouvrir les portes. Il m’est arrivé de tomber sur l’un d’eux qui ne savait même pas quel bien était à vendre dans l’immeuble ! Tandis que, parfois, certaines pièces ne se visitent pas, laissant penser que l’on achète un chat dans un sac.

Qui fréquente ce type de ventes ?

On voit défiler tous les profils pendant les visites. Des jeunes couples en quête d’un bien à petit prix. Beaucoup de professionnels, aussi, surtout pour les immeubles de rapport. Ceux-là sont des habitués, rompus aux rouages de la vente publique. Ce sont d’ailleurs souvent eux qui font s’enflammer les enchères. Pour peu que deux d’entre eux se disputent un bien, son prix peut grimper jusqu’à des valeurs inespérées en gré